Tel un oiseau de malheur, le 'Corbeau' envoie aux habitants d'une petite et paisible ville de province, des lettres anonymes dont la cruauté égale leur caractère mensonger. Le docteur Germain, cible priviligiée de ces attaques virulentes, mêne l'enquête jusqu'à ce que la dramatique vérité éclate...
L'avis du cinéphile : Grand classique du cinéma français, Le corbeau est également l'un des films les plus célèbres de l'incontournable Henri-Georges Clouzot. Sorti durant l'occupation en 1943, sans faire pour autant mention de la désespérante situation politique et morale du pays (car alors produit par la Continental, codirigée par l'occupant nazi, qui veillait à ce qu'aucun film ne parle frontalement du contexte), Le corbeau a remporté un grand succès en salles. Avant que Clouzot ne soit accusé de collaboration une fois la guerre terminée et que ses premiers films soient interdits pour un temps. Un exemple malheureux qui prouve à quel point la scène politique bienpensante d'après-guerre n'avait strictement rien compris au regard astucieusement anti-nazi du cinéaste. Et que le principe de la chasse aux sorcières, loin d'être une exclusivité américaine, jetait dans les flammes les coupables comme les innocents.
Le film est tout simplement génial, avec son noir et blanc granuleux, ses éclairages aux frontières de l'onirisme, et sa distribution de premier ordre. L'immense Pierre Fresnay (toujours aussi puissant) est ici entouré de toute une part de la crème des acteurs de l'époque, de Pierre Larquey à Ginette Leclerc... Pas une séquence qui ne soit pleine de sens, pas une ligne de dialogue qui ne soit profondément intelligente et ciblée. Le corbeau ne parle pas directement de l'occupation, certes, et c'est bien ce qui le rend intemporel. Dans ce film, on s'observe les uns les autres, on juge son prochain sans rien tenter de comprendre de lui, on pratique la délation, le mensonge, la trahison. Par bêtise, par frustration, par jalousie. Le voisin est l'homme à abattre, perpétuellement, sans faire cas des torts énormes que cela peut causer aux victimes. Le corbeau est un film cruel sur les faux semblants, sur le mensonge, sur la crasse morale de monsieur et madame "tout le monde". La bourgeoisie en prend pour son grade, la populace à son tour, et les bonnes moeurs bien élevées aussi. Il est assez étrange, pour ne pas dire douloureux, de constater que Le corbeau n'a pas pris une ride. Pas une seule. Et que le terreau de ses subtiles démonstrations n'est pas l'exclusivité du nazisme. Un chef-d'oeuvre à vous ouvrir l'âme en deux.
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